A Monsieur le Préfet du Lot & Garonne
Bio-carburants :
Contre-vérités scientifiques et techniques.
Utilisation des huiles végétales pures à la
carburation :
le Préfet de Lot-et-Garonne défère les délibérations
de la communauté de communes du villeneuvois
« En effet, la directive encourage les Etats
membres à privilégier certains biocarburants, comme le bio-diesel ou le
bio-éthanol, par rapport à d’autres et en priorité ceux dont le bilan
environnemental global et la rentabilité sont excellents. L’utilisation dans
les seules exploitations agricoles, à titre expérimental, des huiles végétales
pures s’inscrit dans cette logique exploratoire. »
En ma qualité d’ingénieur spécialisé en valorisations non alimentaires de la biomasse, je m’autorise à porter à votre connaissance que la qualification d’« excellents » donnés aux 2 « biocarburants » semi-industriels cités est excessive. En effet, elle ne laisse plus de qualificatifs disponibles pour apprécier les qualités des Huiles Végétales Brutes., qui leur sont économiquement et écologiquement très supérieures.
Vos sources vous ont communiqué des synthèses pour le moins partielles.
Il faut savoir, en effet, que dès lors que l’on fait subir une transformation chimique artificielle à une matière brute, (cas des esters), ou une séparation physique (cas de l’éthanol qui doit être séparé de l’eau après fermentation des matières sucrées), chacune de ces transformations nécessite une consommation d’énergie , non négligeable par rapport à l’énergie que le carburant finalisé pourra délivrer à l’utilisateur .
Dans le cas particulier de la comparaison considérée, entre les huiles végétales brutes( HVB) et les « bio-carburants » synthétiques, il faut encore ajouter à ces surcoûts énergétiques (et aussi économiques) la nécessité de transporter les matières premières jusqu’à l’unité chimique de transformation ; puis encore, de l’usine jusqu’aux stations de distribution du carburant.
L’ensemble des énergies ainsi déjà consommées avant même que de verser le carburant dans le réservoir du véhicule, est dite « énergie grise ».
Ces énergies grises sont à mettre en « débits » dans les bilans (ou « éco-bilans ») des filières de production et transports des combustibles,
Elles se chiffrent en équivalents-pétrole et en équivalents-carbone (ou dioxyde de carbone) émis, et donc en contributions supplémentaires au réchauffement climatique anthropique.
Les comparaisons des bilans énergétiques des « bio-carburants » transformés avec ceux des huiles non transformées -de plus, consommés à courte distances- ne peuvent donc être qu’au désavantage des produits transformés, à qui on ne pourrait donc, au mieux, attribuer que le qualificatif de « bons ».
Voici quelques chiffres trouvés dans la littérature référencée.
Les rendements mentionnés aux deux premières lignes indiquent le rapport de l’énergie que peut délivrer une unité de combustible (« pouvoir calorifique inférieur », ou « PCI »), à l’énergie grise consommée pour produire la dite unité et la livrer.
|
Huile
Végétale Brute HVP |
Ester d’huile végétale EMHV |
Alcool |
Rendements officiels (1) |
5,78 |
3,44 |
2,9 |
Rendements corrigés |
7
(2) |
2,5 (5) |
1,2 (3) (5) |
Contributions officielles à l’effet de serre en g éq C02/kg (1) |
468 |
671 |
527 |
Contributions réelles à l’effet de serre en gramme équivalent gaz carbonique |
468 |
671 |
1 483 (4) |
Productions en France en 2005 en tonnes |
Interdites |
660 000 |
460 000 |
Prévisions en France en 2010 en tonnes |
Interdites
sauf pour les agriculteurs |
1 900 000 |
1 150 000 |
A titre d’exemple, le rendement corrigé de la filière « alcool » serait de 1,2, ce qui signifie que pour disposer d’un volume d’alcool susceptible de produire une énergie de1,2 MJoule, il a été nécessaire de dépenser, au préalable, 1 MJoule .Ainsi, le « bénéfice énergétique » de la filière alcool ne serait que de 0,2 pour 1,2 MJ, soit. …+16,7% seulement.
On conçoit alors aisément que toute sous-estimation dans l’évaluation de l’énergie grise puisse mener à un bénéfice énergétique négatif, c’est-à-dire que l’on aura alors dépensé plus d’équivalent-pétrole à fabriquer le « bio-combustible » qu’il ne pourra restituer d’énergie.
Le CO2 lié aux intrants ne pourra pas être compensé par absorption végétale lors de la croissance des plantes oléagineuses à moins de consommer du renouvelables pour la production de ces intrants.
Cette éventualité est au centre du grand débat qui a lieu actuellement entre les équipes concernées des universités américaines de Cornell et de Berkeley (3). Le Professeur PIMENTEL (Cornell) a proposé des évaluations des cycles complets de production de différents combustibles (depuis le coût énergétique des semences et le 1° tour de roue du tracteur, jusqu’à la pompe de distribution du carburant, en passant par l’unité industrielle de synthèse). Dans tous les cas étudiés, il arrive à un bilan énergétique négatif.
On constate aussi (2° ligne du tableau), que le "rendement" de production des HVB par rapport à la perte en énergie grise, est de l'ordre de 5 fois celui de la production d'éthanol.
Plusieurs pays européens partagent cette approche favorable aux HVB, et en ont tiré la conclusion logique, tant au point de vue économique qu’au point de vue environnemental : ils autorisent de rouler à l’HVP, sans taxation sur les produits pétroliers (TIPP) ou sur la consommation (TIC).
L’objet du débat est un dilemme entre une approche industrielle plus ou moins centralisatrice, et une approche agricole locale, disséminée, de la production de carburants d’origine végétale.
L’approche industrielle doit concentrer la matière et les capitaux dans des usines bénéficiant de subventions publiques directes et indirectes ; plus une exonération des TIPP et TIC et une autorisation de mise en marché.
L’approche agricole a contrario ne concentre aucune matière, mais la transforme sur place dans des milliers d’unités de trituration réparties sur tout le territoire sans demandes de subventions autres que celles laissées à la libre appréciation des collectivités territoriales (donc ne participant pas à l’endettement massif de l’ETAT Français). La création de richesse ainsi organisée reste aux territoires pour moitié dans le monde agricole et pour moitié chez le consommateur ici une Collectivité Territoriale.
Il ne vous aura pas échappé que les éléments techniques que je porte à votre connaissance au crédit des HVB ont des implications positives quant :
1 - aux problèmes planétaires (effet de serre),
2 - à la crise énergétique récurrente du pays,
3 - au déficit commercial : la France importe 30 % du gazole et 70 % des protéines consommées sur l’hexagone
4 - au chômage qui augmente, particulièrement dans notre département ; ces richesses agricoles, existantes ou potentielles, génèrent des emplois non délocalisables.
5 - à l’exode rural structurel : le Lot & Garonne perd 350 exploitations par an (AGRESTE 2005), la France 25000 et l’Europe 200 000 par an.
Veuillez croire, Monsieur le Préfet, en l'assurance de ma considération dévouée.
12 rue de la Palanque
47310 ROQUEFORT
Ingénieur Biochimiste INSA Toulouse
" Rédigé en collaboration avec A. Kaufmann, universitaire retraité, thermicien." alphakappa@free.fr
Dernière rédaction le 21 février 2006
Pour le Collectif ENR47
Références documentaires :
(1)
Bilans énergétiques et gaz à effet de serre des filières de production des
biocarburants en France
ECOBILAN/Pricewaterhouse ADEME/DIREM 2002 page 14/17
(2) La trituration en circuit court, à froid,
sans solvant de graines oléagineuses produites avec
des pratiques culturales durables et économes en intrants, permet la production
de 2 COproduits : l’HVP et les tourteaux riches assumant chacun la moitié
de ce rendement basé sur la réduction drastique de tous les intrants à forte
énergie grise (interne).
(3) Ce débat agite depuis plus de dix ans la
communauté scientifique Américaine et de nombreux articles contestant le
bénéfice énergétique global de la production d’’éthanol ont été publiés,
notamment sous la plume de
http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/31943.htm
(4)
le gaz carbonique fermentaire doit être inclus dans les contributions à l’effet
de serre car dans l’état actuel de la technique, il est nécessairement relargué
dans l’atmosphère
(5)
http://www.inra.fr/Internet/Departements/ESR/publications/iss/pdf/iss05-2.pdf
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